Les architectes sont actuellement coincés entre le logement idéal sur papier et celui édicté par le bon vouloir des décideurs et des promoteurs. En province de Luxembourg, où les réserves foncières restent copieuses, l’inertie au changement est plus tangible encore qu’ailleurs. Il y a pourtant urgence là aussi à repenser fondamentalement le bâti.
Propos recueillis par Philippe Coulée, à lire absolument.

Vice-président de l’UWA, co-fondateur de Bois et Habitat et du cluster wallon CAP 2020 dont il fut le président, Joël Coupez est également le concepteur d’un important quartier de village d’un nouveau type à Libramont, développé par Belfius, la SWL et la SRIW notamment. A ces titres, il a une vision prospective et enracinée du logement actuel, tant en zone rurale qu’urbaine. Sans être naïf, il fait sien l’aphorisme de Jean Cocteau : « Il faut faire aujourd’hui ce que tout le monde fera demain. »
Trends-Tendances. Comment votre profession vit-elle actuellement la crise sur le terrain local, particulièrement en province de Luxembourg ?
JOËL COUPEZ – C’est le calme plat absolu, et ça ne date malheureusement pas d’hier… A l’exception de quelques zones transfrontalières proches d’Arlon, les candidats bâtisseurs se comptent sur une main chez la plupart des architectes, ce n’est pas grave, c’est dramatique. L’association des Architectes du Luxembourg, antenne professionnelle locale de l’Union wallonne des Architectes tire aussi la sonnette d’alarme : la plupart de ses membres architectes ont un chiffre d’affaires qui ne dépassent plus les 50.000 euros bruts par an. Impossible, avec pareil bilan, s’il se répète, ni d’engager ni de dégager des rentrées suffisantes pour continuer à suivre des projets : vu les délais structurels habituels pour mener à bien un projet _ il faut compter entre trois et cinq ans _, il est impossible de tenir le coup à la plupart des bureaux. Pour un ingénieur diplômé, c’est sidérant. D’autant que la plupart des architectes concernés _ on parle de 55% _ travaillent toujours seul et sous statut d’indépendant : si cela se passe mal, au moindre litige un peu conséquent, ils peuvent tout perdre, y compris leur patrimoine familial. C’est stressant, déprimant et cela dure depuis trop longtemps déjà pour qu’on puisse espérer voir le bout du tunnel si les pouvoirs publics ne changent pas rapidement leur fusil d’épaule. Heureusement, depuis la Loi Laruelle (Loi du 15 février 2006 relative à l’exercice de la profession d’architecte dans le cadre d’une personne morale, NDLR), quand nous sommes en société (personne morale), nous protégeons nos avoirs personnels… et notre famille. Mais une société coûte aussi de l’argent. Travailler seul, avec la complexité des compétences à développer, ça n’a plus aucun sens aujourd’hui pour l’architecte.
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